Les points d’eau constituent des oasis vitaux pour la faune sauvage aussi bien que pour la faune domestique en pâture. Ils sont aussi le refuge d’une végétation spécifique.
En Aveyron, et plus particulièrement dans les Grands causses, la récupération de l’eau a été essentielle par le passé pour que l’homme s’installe dans certains milieux. Aujourd’hui, ces lavognes (terme local qui désigne une mare sur les causses) sont peu utilisées par les troupeaux et certaines, par l’absence d’entretien, ne sont plus étanches ou sont envahis de végétation ligneuse ne laissant plus d’accès. Mais les derniers épisodes de sécheresse placés dans un contexte de changements climatiques redonnent à ces points d’eau tout leur intérêt pour les éleveurs. Ces petites unités en eau sont alors considérées comme des éléments remarquables à restaurer. Il y a donc un avantage partagé par l’Homme et la faune sauvage à conserver un réseau de points d’eau.
Les lavognes sont des milieux de vie très particuliers qu’il est primordial de préserver. En effet, que ces mares soient temporaires ou permanentes, elles accueillent toute une faune (odonates, autres invertébrés aquatiques, amphibiens, oiseaux…) et une flore spécifique (hydrophytes, hélophytes…) associées à ces milieux. Les conditions propres à chaque mare (température, pH, dureté, exposition, profondeur, durée de vie en eau, volume d’eau, milieu environnant, présence de prédateurs, d’engrais ou autres polluants…) détermineront les espèces qui s’installeront.
En effet, les amphibiens sont très sensibles aux facteurs physico-chimiques (eau/sol) et à la température. Leur reproduction s’effectue en milieu aquatique. A contrario, ils utilisent les milieux terrestres comme zones d’alimentation et sites d’hivernage. La possibilité de passer de l’un à l’autre est indispensable. A l’échelle d’un territoire, une organisation en réseau réduit l’impact de la disparition des quelques points d’eau sur la population d’une espèce. Plus insidieusement, le réseau est nécessaire à des échanges génétiques entre individus, ce qui permet aussi de conserver une population viable. Enfin, pour préserver une faune sauvage autochtone, il est important de prévenir l’introduction d’espèces exotiques (poissons rouges, tortues de Floride…), voire de les extraire si nécessaire. Ces dernières participent gravement à la perte de la biodiversité locale dont les amphibiens font partie.
Beaucoup de mares sont ainsi remplies de poissons : carassins dorés (plus communément appelés poissons rouges), carpes koï, perches soleil, poissons chat, gambusies, mais aussi de poissons locaux (gardons, rotengles, etc). En Aveyron, sur certaines communes, ils ont été introduits dans plusieurs lavognes par des personnes pour diverses raisons : pêche, ornementation, « anti-moustiques », « anti-algues »… Ces personnes ne soupçonnent pas l’impact de leur geste sur les amphibiens (et plus généralement sur la biodiversité).
A l’instar d’un retour d’expériences sur la lavogne de Drigas par le Parc national des Cévennes et d’une campagne de sensibilisation dans les causses du Quercy dans le Lot par le Parc naturel régional, la LPO Aveyron a mené des actions en 2017 et 2018 sur le causse du Larzac. Ces actions ont eu pour but de sensibiliser des élèves d’école primaire à travers un module pédagogique et les citoyens d’une commune à la problématique des poissons rouges dans les lavognes et à la perte de la biodiversité autochtone. L’objectif final a consisté à la vidange et au nettoyage d’une lavogne ciblée contenant des poissons afin de les extraire.
En 2017, avec l’accord de la commune du Viala-du-Pas-de-Jaux, la lavogne à l’entrée du village a été vidangée le lundi 16 octobre à l’aide d’une motopompe et d’un coup de main du maire. Cette lavogne n’avait pas été curée depuis plus de 20 ans.
En 2018, avec l’accord de la commune de la Couvertoirade, la lavogne de la Blaquèrerie a été vidangée le jeudi 4 octobre à l’aide d’une tonne à lisier et d’un coup de main par deux éleveurs et un employé communal.
Au fur et à mesure du pompage, les élèves pêchaient à l’aide d’une épuisette les quelques amphibiens et invertébrés présents pour les sauvegarder. Ces derniers ont été entreposés dans un bac d’abreuvement en attendant que la lavogne soit de nouveau en eau. Les poissons ont été prélevés et mis de côté. Un nettoyage à l’aide de balais à brosse et pelles a permis d’enlever les pierres et toute la boue restante.
Bilan 2017 :
- Etat initial : présence du Crapaud épineux et Triton palmé,
- Nombre et espèces de poissons extraits : plus de 40 Carassins dorés (poissons rouges).
Bilan 2018:
- Etat initial : présence du Crapaud épineux, Crapaud calamite et Alyte accoucheur. Avant l’introduction de poissons, présence en 2007 d’une espèce d’intérêt patrimonial, le Pélobate cultripède,
- Volume pompé : 40 m3 (eau et vase)
- Déchets prélevés : gilet, assiettes cassées, couverts, bouts de métal et plastique…
- Nombre et espèces de poissons extraits : 24 Carassins dorés, 242 Rotengles, 1 Tanche.