La Réserve naturelle des coteaux du Fel face au changement climatique

La nature est de plus en plus confrontée aux évolutions climatiques. En effet, le changement climatique entre en résonance avec la sixième crise de la biodiversité, bien plus rapide que les cinq précédentes. Ces deux dynamiques sont d’origine anthropique et s’intensifient au contact l’une de l’autre. Il est estimé qu’une espèce animale sur six dans le monde est directement menacée d’extinction par les changements climatiques[1].

En 2024, la Réserve Naturelle Régionale des Coteaux du Fel s’est inscrite dans le projet d’adaptation au changement climatique des RNR d’Occitanie. Avec le soutien de la Région Occitanie, et accompagné par l’ANA-CEN Ariège structure pilote, la LPO travaille aux côtés des gestionnaires de 4 autres RNR (Gorges du Gardon, Confluence Garonne-Ariège, Scamandre et Mahistre et Musette) pour adapter la gestion des aires protégées au changement climatique. Ce projet vise donc à anticiper les conditions climatiques futures pour prendre aujourd’hui des décisions compatibles avec la situation de demain. Ainsi, une étude climatique à l’échelle de la Réserve a été réalisée et permet de retracer l’évolution du climat passé, mais également de dessiner les trajectoires du climat futur.

Cette étude révèle qu’entre 1960 et 2023, le climat de la Réserve s’est déjà réchauffé de +1,9°C. Les précipitations, très variables d’une année à l’autre, montrent une tendance à la diminution depuis les années 90. S’ajoute à ceci l’augmentation de l’évapotranspiration potentielle, indicateur qui reflète le besoin en eau des sols et de la végétation. En résumé, il fait plus chaud, il pleut moins et la fréquence des évènements plus extrêmes comme les canicules et les sécheresses augmente. A travers ceci, le risque incendie devient plus accru.

D’ici 2050, la température moyenne annuelle passera de 11,2°C à 12,6°C avec des températures plus douces pour le printemps et plus intenses en été. Les vagues de chaleur estivales ne dureront plus 5 mais 7 jours et se prolongeront sur l’automne. Une baisse de 10% des précipitations est attendue. Enfin, l’hiver sera doux avec de moins en moins de gel.
D’ici 2100, la température moyenne annuelle atteindra les 15,5°C. Le réchauffement impactera plus fortement l’été et le début de l’automne. La température actuelle d’août est de 20°C, elle atteindra les 26°C à long terme. Les vagues de chaleur seront de plus en plus longues (entre 9 et 15 jours, contre 5 jours aujourd’hui). La baisse des pluies en été (-30%) s’accompagnera de sécheresses intenses (13 jours consécutifs sans pluie). Cela conduira à augmenter le risque incendie sur la Réserve pour les saisons d’été et d’automne. L’hiver se réchauffera également et le gel disparaîtra drastiquement. En revanche, les précipitations auront tendance à augmenter (+25%).

Mais quelles conséquences cette évolution climatique peut-elle avoir sur la Réserve ?

Les réponses de la biodiversité au changement climatique peuvent se manifester de différentes façons. Tout d’abord, on peut assister à des dérèglements dans le cycle de vie de la faune et la flore. Par exemple, un réchauffement peut engendrer un allongement de la saison de croissance pour la végétation des prairies, avec une pousse de l’herbe plus précoce au printemps et plus tardive en automne. Le réchauffement participe également à l’accélération du développement de certaines populations d’insectes. On parle alors de dérèglement phénologique. Ensuite, le changement climatique influence les aires de répartition des espèces et peut donc provoquer la migration de certaines d’entre elles. « Avec un réchauffement de +1 °C, les espèces vivantes doivent se déplacer de 180 km vers le nord ou de 150 m en altitude pour retrouver leurs conditions de vie initiales »[2]. D’ici 2050, la Réserve ne serait d’ailleurs plus une zone compatible à certaines essences actuellement présentes, comme le chêne pédonculé[3]. Par ailleurs, le changement climatique peut aussi bouleverser complètement certains milieux, c’est le cas des milieux aquatiques. Les cours d’eau, les mares sont extrêmement sensibles et exposés aux variations du climat. Les futurs étés du site s’annoncent arides et pourraient provoquer l’assèchement de ces milieux, impactant alors toute la biodiversité associée.  Enfin, en fragilisant les milieux et leurs fonctionnalités, le changement climatique facilite les nouvelles colonisations, notamment celles des Espèces Exotiques Envahissantes (EEE). Certaines espèces exotiques, telle que la Processionnaire du pin, voient leur aire de répartition s’étendre ou se décaler. De plus, les hivers plus doux entrainent une diminution de la mortalité de certains parasites ou virus déjà présents.

Ainsi, la Réserve est et continuera à être vulnérable au changement climatique. Comprendre l’évolution du climat est donc essentiel pour anticiper les futurs impacts et préserver au mieux les écosystèmes et leur biodiversité. En début 2025, le plan d’adaptation au changement climatique résumant les actions concrètes sera établi puis intégrer au plan de gestion de la Réserve.

 

[1] Selon l’étude « Accelerating extinction risk from climate change » de Marck C. Urban parue dans la revue Science au printemps 2015.

[2] Berg, 2021. Adaptation au changement climatique en Occitanie Livret n° 2 : la biodiversité. lien

[3] Selon les cartes de zones de compatibilité du site ClimEssence. https://climessences.fr/.