Un important travail a été mené ces derniers mois sur les vulnérabilités de la Réserve naturelle face au changement climatique. Il visait à répondre à plusieurs questions :
- Comment va évoluer le climat sur la réserve à l’horizon 2050 et 2100 ?
- Comment vont évoluer les milieux naturels ?
- Comment se modifieront les pratiques humaines ?
- Quelles actions peut-on mettre en place pour s’adapter au mieux à ces changements ?
L’ensemble de ce travail a été mené selon la méthodologie Natur’Adapt développée par Réserves Naturelles de France et coordonné par Lou Dumaine, de l’ANA CEN Ariège sur 5 RNR d’Occitanie.
Le plan d’adaptation de la Réserve naturelle vient d’être finalisé et il est consultable sur simple demande.
Le climat de demain sur la Réserve
Les projections tendent à correspondre au scenario 8.5 soit un réchauffement supérieur à 3 ou 4 °C d’ici à 2100 :
- Augmentation marquée des températures: les températures se réchauffent sur l’ensemble de l’année avec des hivers plus doux, une forte diminution des jours de gel voire une disparition du gel au printemps (horizon 2071-2100), une augmentation des durées de vagues de chaleur qui deviennent plus sévères en été. A l’horizon 2071-2100 les tendances suggèrent un décalage de l’été sur le début de l’automne.
- Perturbation du régime des précipitations: la quantité des précipitations augmente en hiver et diminue en été. A cela s’ajoute des périodes de sécheresses de plus en plus longues. Globalement, l’année se réchauffe et les précipitations présentent une variabilité intra-annuelle plus importantes en hiver et plus faibles en été.
- Augmentation de l’évapotranspiration potentielle (ETP) : l’ETP représente la demande en eau théorique (en conditions de disponibilité en eau non limitante), combinant l’évaporation du sol et du couvert végétal et la transpiration de la végétation. L’augmentation de l’ETP est observée toute l’année, et donc aussi en hiver (en lien avec la douceur hivernale). Cela participe à la hausse de la sensibilité de la végétation aux feux de forêt.
Les vulnérabilités de la Réserve
Le réseau hydrographique apparait comme le plus vulnérable au changement climatique. Les précipitations, plus rares et intenses, diminueront en cumul sur une longue période estivale, entraineront une diminution des supports, quand en parallèle le besoin en eau lui augmentera pour le patrimoine naturel (par les périodes de sècheresses, l’intensification de de l’évapotranspiration, etc.), et les activités humaines (besoins domestiques, agricoles et de loisirs). La capacité des sources influencera directement en quantité d’eau les cours d’eau temporaires menacés de disparaitre, et les cours d’eau permanents pouvant devenir eux-mêmes temporaires. Cela entrainerait une discontinuité. La qualité de l’eau en sera là aussi fragilisée. Les mares seront en première ligne de cette fragilisation par des proliférations d’algues, l’arrivée de nouvelles espèces potentiellement envahissantes, la disparition d’anciennes et aussi probablement des assecs répétés. Les agents de la réserve ont donc une responsabilité à suivre davantage ces évolutions.
Le milieu forestier, recouvrant la majorité du site protégé, manifeste lui aussi une vulnérabilité forte au changement climatique : besoin en eau grandissant, risque de stress hydrique et d’incendie, impact des espèces inféodées au milieu. Un regard par essence permet d’anticiper une évolution du profil de la forêt vers une végétation d’avantage méditerranéenne. On observe une vulnérabilité très forte du hêtre et du Chêne pédonculé puis dans un second temps du châtaignier qui ont vocation à disparaitre à long terme. Le Chêne sessile, quant à lui, sera le seul à être tirer son épingle du jeu.
Les prairies ont une vulnérabilité forte au changement climatique. Leur richesse spécifique leur offre cependant une bonne capacité d’adaptation vis-à-vis des variations climatiques. Le réchauffement va provoquer un allongement de la saison de croissance : la végétation démarrera plus tôt et continuera d’être stimulée en hiver et au printemps. Cependant, un arrêt de la pousse en été pourrait être observé à cause des sécheresses. S’ajoute à ceci l’augmentation des populations de ravageurs, ainsi que des maladies. Le maintien du milieu par l’activité agricole lui assurera sa pérennité.
Les landes et pelouses ont une vulnérabilité moyenne au changement climatique. En effet, ces milieux peuvent supporter des déficits hydriques importants et sont moins affectés par le réchauffement. Une transformation de la faune et de la flore favorisant les espèces thermophiles et xérophiles est attendue. Le Lézard ocellé pourrait être favorisé par le changement climatique au vu de ses besoins (étés chauds et secs, fort ensoleillement, températures douces en fin d’été et début d’automne). Si ces milieux sont moins exposés à l’invasion par les espèces exotiques et aux pressions anthropiques, ils sont tout de même sensibles au risque incendie. La principale menace reste la fermeture des milieux par la reconquête des ligneux, qui se produit d’ailleurs sur les anciennes terrasses à vigne du site.
Quelques actions envisagées dans le plan d’adaptation
La Réserve est avant tout dans une posture « d’accepter à long terme » les effets du changement climatique sur le patrimoine naturel, et à ce titre, une majorité d’opérations autour de l’amélioration des connaissances permettront de suivre ces évolutions :
- Suivi du débit des sources et de l’étiage des ruisseaux,
- Mise en place de l’observatoire des saisons en forêt, prairies et dans les landes,
- Suivi de la thermie et de l’humidité des sols dans les prairies,
- Développement des partenariats pour améliorer les connaissances sur les pollinisateurs dans un contexte de changement climatique.
- etc.
Si des seuils d’effondrement sont identifiés, alors des actions de « résistances » pourraient être mises en place :
- Entretien des châtaigniers afin de pouvoir maintenir suffisamment de vieux bois et bois mort support actuel des cortèges saproxyliques (champignons et insectes),
- Maintien des landes et pelouses semi-ouvertes afin de lutter contre la fermeture par les ligneux. Le soutien aux pratiques agricoles existantes et à la prévention des incendies tend dans la même direction.
À court terme, la posture « diriger » les effets du changement climatique est tout autant importante, elle repose principalement sur l’accompagnement des acteurs afin de limiter les pressions anthropiques et de favoriser la résilience des milieux (utilisation durable de l’eau comme ressource commune à partager avec la biodiversité, maintien du pastoralisme sur les prairies, etc.).
L’ensemble des orientations de ce plan d’adaptation seront intégrées au plan de gestion 2026-2035 de la Réserve qui est en cours de rédaction.
Une réunion d’information auprès des acteurs du territoire sera proposée à l’automne afin de partager ce travail. Pour prendre un peu de hauteur, elle sera réalisée avec plusieurs partenaires en vue d’informer plus largement sur le risque incendie.